Emmanuel Bornstein, face à son histoire et à l’Histoire
Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne, 52, allées des Demoiselles, Toulouse, Haute-Garonne | Exposition
Jeune peintre né à Toulouse en 1986, après des études à Paris, il part vivre à Berlin où il réside depuis près de douze ans. La capitale allemande n'est pourtant pas un point de chute évident pour un Bornstein. Sa famille n'a pas été épargnée par la Shoah, puisque la grand-mère paternelle, née dans une famille polonaise, Carmen Siedlecki, aura vécu la Résistance à Lyon, puis survécu à la déportation à Auschwitz. Emmanuel Bornstein consacre ainsi une très belle exposition « Three Letters » à sa grand-mère, répondant à une commande du musée de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne. Le projet, original, consiste à utiliser les archives de Carmen, les lettres rédigées durant la guerre, les certificats délivrés lors de son retour en France… en support d'une œuvre picturale qui vient s'inscrire comme sur un palimpseste. Le pinceau du petit-fils dialogue ainsi avec la mémoire de papier de celle qui fut une résistante juive survivante d'Auschwitz. Le résultat est saisissant car ce procédé, apparemment inédit, délivre un message à la fois mémoriel et actuel, à la fois savant et sensible. Cette première partie de « Three Letters » est suivie d'un hommage à la Lettre au père de Kafka puis d'un échange de courriers et de courriels entre Emmanuel Bornstein et un ami connu au lycée, lequel aura une fin tragique.
Cette exposition mémorielle est complétée, cette fois, par celle des œuvres monumentales qui font d'Emmanuel Bornstein un peintre déjà célèbre et exposé en Europe et ailleurs. Or, ce qui distingue son art, dès les premiers tableaux, c'est la violence des images. Si la parenté avec Goya ou Chagall peut se percevoir, il s'agit d'une œuvre singulière, au style précis et impressionnant. L'œuvre d'un peintre de grand talent, issu de la « troisième génération » visible au château de Laréole jusqu’au 26 septembre . Et il nous interroge ainsi sur la transmission de l'histoire tragique de la Shoah, par-delà le temps et les mots.