Gauffier, un grand peintre
Musée Fabre, 39, bd Bonne-Nouvelle, Montpellier, Hérault | Exposition

Peut-on encore aujourd'hui découvrir un génie méconnu de la peinture française de la fin du XVIIIe siècle ? Méconnu ? On haussera les épaules… Pourtant Louis Gauffier (1762-1801), que célèbre le musée Fabre, est mort avant d'avoir eu 40 ans et mérite un nouveau regard. Le jeune peintre a reçu en son temps toutes les récompenses, dont le grand prix de peinture en 1784 (ex aequoavec un disciple de David, Gervais Drouais), l'agrément à l'Académie. Il excelle dans la peinture d'histoire : Jacobet Rachelau Salon de 1789, Alexandre et Ephestionen 1791. Son originalité relative, car le néoclassicisme et le davidisme s'imposent partout, est un pli sentimental, comme en témoignent Cornélie mère des Gracquesou La Générosité des dames romaines.
Les événements historiques le privent d'une carrière toute tracée. Chassé de Rome en 1793 après l'exécution du roi, il se réfugie à Florence, où il se consacre au portrait. Il place ses modèles, essentiellement des aristocrates anglais accomplissant leur Grand Tour, soit dans un paysage toscan, soit en conversation ou devant un clavecin dans un salon, soit dans la campagne à côté du cheval préféré… Le résultat est techniquement éblouissant et introduit une nuance de sensibilité qui va de Rousseau au romantisme et qui fait échapper l'effigie aux codes rigoureux du temps.
Il renouvelle tout autant le paysage en proposant un regard neuf sur la nature. Fabre a collectionné quelques vues du couvent de Vallombrosa, dans le val d'Arno. La composition et le métier sont stricts, mais la sincérité de la vision, la justesse des accents lumineux sont intenses. Quelques années avant que Valenciennes ne théorise un paysage non formaté, trente ans avant que Corot ne fixe une vision directe de Rome comparable à celle de l'objectif photographique, Gauffier s'impose. Le musée de Montpellier, qui possède, grâce au legs Fabre, le fonds le plus important de ses œuvres, nous propose la découverte d'un grand peintre : il mérite de figurer parmi les miraculés de l'histoire de l'art.
« Le voyage en Italie de Louis Gauffier », jusqu’au 4 septembre, musée Fabre, 39, bd Bonne-Nouvelle, Montpellier, Hérault
Légende de l’œuvre: Louis Gauffier, Portrait du Docteur Thomas Penrose, 1798, huile sur toile, Minneapolis, Minneapolis Institute of Art, The John R. Van Derlip Fund. © Minneapolis Institute of Art