La dernière avant-garde du XXe siècle
Carré d’art-musée d’Art contemporain de Nîmes, Gard | Exposition
Dans leurs premières années, les artistes de Supports/Surfaces exposaient dans l'espace public (petits villages, plages, théâtres) des toiles qui claquaient dans le vent de la contestation. Cinquante ans après, une exposition muséale analyse les premières années du mouvement grâce à un spécialiste qui a rédigé une thèse sur les rapports entre théories et pratiques. Certes, il y a longtemps que l'institution avait rattrapé notre dernière avant-garde, un regroupement amical sur des bases contestataires qui explosent lors de Mai 68. Supports/Surfaces a été un mouvement cohérent, alliant la théorie (textes et tracts), le combat politique et social, le refus du marché et les pratiques artistiques.
Ils seront 12 : Dezeuze, Saytour, Viallat, puis Valensi, Bioulès, Devade, Cane, Dolla, Pincemin, Pagès et Arnal. Des Méridionaux et des Parisiens qui refusent l'héritage de l'école de Paris. Ils ont été impressionnés par les nouveaux réalistes, l'expressionnisme abstrait américain (connu par des photographies) et par les recherches menées par Hantaï sur les toiles pliées et la couleur. Dans ces années effervescentes et contestataires, on lit Althusser, Lacan, Marcuse et le petit livre rouge de Mao. Le mouvement rejoindra d'autres avant-gardes intellectuelles comme Tel quel. La revue du groupe, Peinture, cahiers théoriques, avec Marcelin Pleynet, s'inscrit dans cette lignée.
Comment pratiquer une peinture révolutionnaire ? En commençant par détruire ses constituants. Plus de tableau bourgeois, de cadre, de châssis, de format calculé pour des intérieurs cossus. On retourne la toile pour montrer le châssis que l'on peint parfois. La toile sera non préparée, pliée, découpée, roulée, accrochée à des fils. Elle peut être une bâche, un drap, des bandes recousues. La couleur n'est plus apportée par l'huile ou l'acrylique : de la teinture, de l'encre, une couleur si liquide qu'elle imprègne irrégulièrement la texture de la toile. Plus de chevalet, le travail, où le hasard intervient, se fait au sol, avec la possibilité de plusieurs épaisseurs. Le pinceau est rejeté, car il faut effacer l'artiste au profit de la peinture. Le signe plastique ou le motif ne sont pas congédiés, mais ne doivent trahir aucune subjectivité. Bref, les œuvres doivent être lisibles, montrant les faux secrets de la confection. La création est volontairement banale, l'artiste se voulant artisan, refusant le circuit de la reconnaissance et de l'argent.
Heureusement, tous ces contempteurs du passé, s'ils détestaient la peinture de chevalet, aimaient la peinture et, à leur manière, la refondaient. À retrouver d'urgence. (Article publié dans Le Patrimoine, n° 50.)
« Supports/Surfaces, les origines, 1966-1970 », Carré d'art-musée d'Art contemporain de Nîmes, place de la Maison-Carrée, Nîmes (30),