49. Un lieu de vie, le canal du Midi
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Eté 2017
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De la lenteur et de l'urgence
Les catastrophes réveillent. Il a suffi qu'un chancre coloré attaque les platanes du canal du Midi pour que l'on regarde plus attentivement le bien classé par l'Unesco au patrimoine mondial en 1996. La déconvenue de la perte, inexorable mais momentanée, de la voûte verte des arbres, l'image emblématique du canal, s'accompagne d'une série d'interrogations sur la mutation abrupte d'une route d'eau, idéale pour les matériaux pondéreux, ignorante des flux tendus, en un tourisme vert qui retrouve le goût de la lenteur, ce luxe nouveau. Tout le contraire des autoroutes, même si personne ne parle de se faire haler par des chevaux ou de ramer !
Ce tourisme inédit, qui prend son temps (comme les marcheurs ailleurs), est très certainement une aubaine pour notre région. Au bord du canal se trouve un richissime ensemble de monuments et de paysages, à découvrir en empruntant d'extraordinaires ouvrages d'art. Le canal, le plus grand chantier du XVIIe siècle, réunit Haut et Bas-Languedoc, le cœur de notre actuelle Occitanie. Il fut une route de la fortune pour les Toulousains producteurs de blé, et permit aussi l'importation de marbres italiens et de bien d'autres marchandises.
Notre dossier délaisse l'histoire économique pour regarder aujourd'hui les éléments de la voie d'eau : captage des eaux, ponts, bateaux, arbres, métiers liés au canal, les difficultés de gérer et d'animer un bien patrimonial, présent et insaisissable, car étiré sur 241 kilomètres. Et c'est là que réside l'urgence : comment aménager pour permettre l'exercice de la lenteur ? L'État, la Région, les collectivités territoriales s'attellent à la tâche. Sur ce fond peu exploré, que de découvertes !
L'été est la saison des festivals et des expositions. À côté de sa sélection habituelle, Le Patrimoine, histoire, culture et création d'Occitanie signale, sans souci d'exhaustivité, dans un « Agend'art », quelques expositions proposées par des musées peu médiatisés mais dignes d'attention. Sur cette carte apéritive d'un festin pour les yeux, d'Agde à Moissac, le long du canal du Midi et du canal de Garonne, un parcours d'art contemporain propose une douzaine d'expositions et de productions d'artistes sélectionnées par les deux FRAC (fonds régionaux d'art contemporain) d'Occitanie. Outre son agréable voûte de verdure, c'est donc bien un véritable lieu de vie, parfois surprenant, que le canal du Midi offre à ses usagers.
Bernard Seiden
LES ACTUALITÉS 6 VOIR Dupuy 13 LES NOMINATIONS 14 – 21 LES BRÈVES 22 – 27 ATELIERS ET OBJETS – Dominique Crébassol Textile. Imprimeur à la planche Laguiole, la guerre du nom La Georgette remet le couvert 28 – 33 ARCHITECTURE – Dominique Crébassol Villefranche-de-Rouergue. Rebâtir la bastide Montauban. Une forêt devant la cathédrale Montpellier. Un campus créatif sur la place d'Armes 34 – 40 DIX EXPOSITIONS Sète. Le secret de Tolède ? Toulouse. La collection Prat, le triomphe du dessin français Rodez. Fualdès « assassiné comme un cochon » Perpignan. Picasso et la comtesse catalane Canet-en-Roussillon. La mer de Picasso Céret. Dalí, un fou très savant Nîmes. Les minimalistes entrent dans la danse Sète et Montpellier. Othoniel, spectaculaire et intime Montpellier. Bacon et Nauman au corps à corps Lattes et Montpellier. Impressions d'empreintes 42 – 46 AGEND'ART LA CONNAISSANCE 50 – 128 DOSSIER LE CANAL DU MIDI, UNE SI BELLE CICATRICE, coordonné par Jérôme Bonhôte, Roland Chabbert, Patrick Roques 52 – 53 Entretien avec Marie-Thérèse Delaunay, sous-préfète, et Carole Delga, présidente de la Région Occitanie, par Dominique Crébassol 54 – 61 Des bateliers aux vacanciers, usages du canal, par Lisa Rebodello, Roland Chabbert 62 – 63 Auberge du Somail. La recette du succès, par Dominique Crébassol 64 – 75 Capter et maîtriser les eaux, par Christelle Bernes Cabanne 76 – 77 Éclusier. La vigie de Saint-Roch, par Dominique Crébassol 78 – 79 Le barrage de Saint-Ferréol, quel entretien ! par Emmanuel Sarrato, Didier Santune 80 – 89 La nouvelle vie des bateaux du canal, par Lucien Miquel 90 – 91 Chaudronnerie du canal du Midi. La reprise du radoub, par Dominique Crébassol 92 – 101 Les ponts sur la Grande Retenue, par Jean-Michel Sauget 102 – 109 Les arbres du canal, toute une histoire, par Émilie Collet 110 – 111 Pépinières de l'Aude. L'homme qui plante des arbres, par Dominique Crébassol 112 – 119 Les monuments à Riquet, rappels de paternité, par Jérôme Bonhôte, Patrick Roques 120 – 128 Vingt ans, un bilan de la valorisation culturelle, par Samuel Vannier 130 – 144 LA RECHERCHE 130 – 137 Larzac aveyronnais. LES GÉANTS DE PIERRE, par Rémi Azémar 138 – 144 Domaine de l'Hortus. L'INVENTION D'UNE EXPLOITATION VITICOLE, par Jocelyn Lermé, Didier Sabarros
Editorial du dossier
À la différence d'un fleuve qui façonne un territoire sur des millénaires, le canal du Midi a construit en à peine quinze ans un paysage artificiel. Son creusement a créé une véritable cicatrice dans l'ancien parcellaire agricole, exactement comme le ferait aujourd'hui une autoroute ou une voie de TGV. Cette perturbation géographique a suscité des réactions de rejet de la part des riverains dont les terres ont été confisquées et les propriétés souvent divisées. Pour établir une communication entre les deux rives que le canal avait séparées, des ponts et divers ouvrages d'art furent aménagés sur le linéaire, tels des points de suture. Ces éléments, préservés pour la plupart, sont aujourd'hui un des charmes de ce canal conçu grâce à la ténacité passionnée de Pierre Paul Riquet. Voies navigables de France les entretient et les modernise.
La perception que l'on a du canal est fort diverse. Vu du ciel, c'est un ruban de verdure serpentant dans la plaine. Vu d'en bas, l'alignement d'arbres sur ses berges forme une barrière qui occulte l'horizon. Et quand on navigue au fil de l'eau, la colonnade monumentale, devenue l'image emblématique du canal du Midi, donne à la promenade au coeur de l'Occitanie un caractère impressionnant.
La renommée mondiale du canal du Midi et sa valeur patrimoniale ne l'empêchent pas de rester un lieu de vie exceptionnel. Les différents usages qui en sont faits, le droit à disposer des eaux pour certains riverains, les projets de sauvegarde, de replantation et de mise en valeur qui mobilisent les collectivités prouvent que la cicatrice est non seulement toujours visible, mais encore sensible plus de trois siècles après sa réalisation.
Jérôme Bonhôte, Roland Chabbert, Patrick Roques