Mémoires d'avions
Le sujet du dossier de ce numéro, Toulouse capitale aéronautique, est quelque peu paradoxal. Rien a priori ne destinait la cité garonnaise à ce rôle. Misère des déterminismes : un siècle après le pari de Georges Latécoère, elle le joue pleinement. On trouvera des travaux neufs sur l'industrie aéronautique, les avions, les musées, l'architecture, des premières halles Latécoère enfi n réutilisées au Musée aéroscopia. Ces travaux nous questionnent sur la notion de patrimoine et son évolution.
Il n'y a pas si longtemps, les études publiées auraient relevé de l'histoire industrielle, des techniques, des transports… La notion de patrimoine culturel, qui déborde le domaine de l'art, a bousculé ces catégories : appartient au patrimoine toute oeuvre pourvue d'un pouvoir symbolique qui puisse se partager et participer à la cohésion sociale. En 1978, le ministère de la Culture se dotait d'une direction du Patrimoine qui recouvrait celle des Monuments historiques. Mais, en 1984, l'Inventaire général des richesses de la France créait une cellule « patrimoine industriel ».
Presque quarante ans après, on peut mesurer le chemin parcouru : le Concorde est aussi beau qu'un tableau du Louvre, les halles industrielles aussi monumentales que les nefs des cathédrales. Et l'analyse ne porte plus sur un monde d'hier disparu, que l'on pleure et dont on veut préserver la mémoire, mais sur le patrimoine vivant.
Bernard Seiden
LES ACTUALITES 6-17 LES BRÈVES 18-22 ATELIERS ET OBJETS – Dominique Crébassol Ferronnier d’art. La beauté est dans l’escalier 24-29 ARCHITECTURE – Dominique Crébassol Valence-d’Agen. Un nid communautaire Saint-Juéry. Le centre culturel est sur les rails 30-39 DIX EXPOSITIONS Toulouse. Les Motais de Narbonne, l'œil et la collection Toulouse. La Retirada, les artistes et l'exil Sérignan. Glissements progressifs de l »œuvre Rivesaltes. Paul Senn, au plus près Albi. Giacometti et ses étranges familiers Céret. Chagall, les multiples et la couleur Lattes. L’affaire des colliers Sète. LL dans les yeux de W Carmaux. Le verre au présent et au futur Lectoure. Mystères et tremblements 40-41 AGEND’ART 42-43 CHRONIQUE. CREATION ET PATRIMOINE – Jocelyn Lermé et Didier Sabarros LA CONNAISSANCE LE DOSSIER, coordonné par Jean-Marc Olivier 46-111 L’affirmation du patrimoine aéronautique dans l’espace toulousain, par Jean-Marc Olivier 48-57 L’industrie aéronautique toulousaine après la Libération, par Clair Juilliet 58-69 Le Salmson 2A2, premier avion produit à Toulouse, par Jean-Marc Olivier 70-71 Pascal Gaste veille sur les archives aéronautiques, par Mathieu Arnal 72-79 Concorde, de la légende à l'histoire, par Jean-Marc Olivier 80-89 L'aéroport de Toulouse-Blagnac, naissance d'un géant, par Annie et Jack Thomas, Dominique Crébassol 90-93 Quel ciel européen après le Brexit ?, par Laurent Grosclaude 94-101 Architecture aéronautique, par Dominique Crébassol 102-111 Le décollage réussi d'aeroscopia, par Fabienne Péris-Raimbault LA RECHERCHE 112-121 Le château de Bournazel ressuscité, par Bruno Tollon 122-128 L'allumage d'un four Hoffmann, par Jérôme Bonhôte
L'affirmation du patrimoine aéronautique dans l'espace toulousain
Le patrimoine aéronautique constitue l'une des grandes richesses culturelles de Toulouse et sa région. Pourtant, jusqu'en 2015, cet espace majeur de l'histoire de l'aviation ne disposait pas d'un musée sur ce thème alors que son rival américain de Seattle en possédait cinq depuis longtemps.
Désormais, cette lacune est comblée avec « aeroscopia » à Blagnac et « L'Envol des Pionniers » à Montaudran. Les avions qui ont marqué l'évolution de l'aéronautique française, européenne et mondiale, ont trouvé leurs écrins : la Caravelle, Concorde, l'Airbus A300B et l'A400M au Musée aeroscopia ; le Salmson 2A2 à L'Envol desPionniers. Il était temps, car cette aventure est désormais plus que centenaire ; en effet, dès 1918, les premiers avions produits à Toulouse décollaient devant l'usine Latécoère de Montaudran.
Ce patrimoine ne se limite pas aux lieux de fabrication et aux appareils qui en sortaient. Il existe aussi d'autres bâtiments emblématiques de ces défis, comme les aéroports successifs de la région de Toulouse ou la soufflerie de Banlève. Mieux encore, certaines collections de documents participent intégralement à cette richesse patrimoniale, en particulier celles des archives départementales de la Haute-Garonne (fonds Dewoitine, Turcat…), celles du centre de ressources documentaires du Musée aeroscopia (fonds Sparaco…) ou encore les séries iconographiques et techniques des archives municipales, de l'Aérothèque, des Ailes anciennes Toulouse ou de l'Académie de l'air et de l'espace. À cela s'ajoutent les témoignages et la mobilisation des archives syndicales ou patronales afin de mieux comprendre le cheminement très spécifique d'une industrie stratégique, donc politisée.
Toutefois, beaucoup reste à faire, et il manque encore des avions prestigieux à l'appel, comme le Dewoitine D.520, les hydravions Latécoère ou les Airbus postérieurs à l'A300B. À défaut d'une conservation exhaustive de ces appareils, l'écriture de leur histoire est en bonne voie avec plusieurs thèses en cours, ou récemment soutenues, et un parcours de master recherche bilingue, unique au monde, intitulé « Histoire et patrimoine de l'aéronautique et de l'espace » (université Toulouse-Jean Jaurès et laboratoire Framespa, CNRS).
Jean-Marc Olivier