53. La marque de Rome. De Nîmes et Narbonne à Toulouse et Séviac
9,50€
Eté 2018
144 pages
Le passé en poussière. L'archéologie avant toute chose
Ce numéro fait une place majeure à l'archéologie. La « romanité » en Occitanie va briller de mille feux à travers le nouveau visage des grands musées d'Antiquité comme de quelques grands sites, ceux des villes comme ceux de somptueuses villae. C'est de ces musées, de ces villes, de ces établissements ruraux qu'on parle et que nous parlons ici. D'eux et, bien entendu, des objets qu'ils ont, comme on dit, « livrés ».
Ce mot, « livré », appelle un commentaire. Rien de ce que recèlent les musées ne serait porté à notre connaissance sans le travail préliminaire, fondamental, des archéologues de terrain. Ils ont mis au jour les vestiges, du tesson au monument. Ils ont eu à l'esprit l'adage « fouiller, c'est détruire », en vertu duquel toute trouvaille s'accompagne d'un enregistrement scrupuleux : localisation, description, dessins, photos. Les archéologues, depuis près d'un siècle, ne font plus la « chasse au bel objet », mais cherchent à comprendre le passé à travers l'emplacement et les strates du terrain. En d'autres termes, pas d'archéologie sans prise en compte du moindre indice, et sans perspective historique.
Il faudrait, dit-on parfois, « dépoussiérer l'archéologie ». Dépoussiérer ? Oui, s'il s'agit de présenter les découvertes à l'aide de restitutions « 3D » ou de vidéos, de les exposer dans les vitrines sous leur meilleur jour, et d'en offrir aux plus jeunes un visage attractif, voire ludique. Mais en aucune manière « en amont » ! Il faut au contraire savoir et faire savoir que l'archéologie s'occupe essentiellement de poussière, de déchets, de rejets. C'est une science du résidu, une remontée vers le passé à partir de la trace.
En 1971, à Toulouse encore, un parking creusé sous la place du Capitole détruit la porte nord de la ville romaine. L'héroïsme de quelques bénévoles sauve alors ce qui peut l'être, devant et sous les pelles mécaniques. La photographie en témoigne, des relevés sont pris, des tessons récupérés. Comment, sans de tels sauvetages, serait-on en mesure aujourd'hui de reconstituer cette porte, en s'appuyant sur ce qu'on sait d'autres portes romaines en Gaule ? Bien sûr, les temps ont changé, et l'archéologie dite « préventive » est plus assurée de ses bases. Mais elle reste aux prises avec tous les problèmes de l'aménagement, limitée à des découvertes « par fenêtres », alors que l'archéologie programmée est réduite à la portion congrue.
Embellir les musées, enrichir la présentation des vestiges, sauvegarder le patrimoine, mieux comprendre notre passé, c'est une seule et même ambition, à laquelle nous entendons concourir. Soyons conscients quetout cela passe par un renforcement de l'archéologie, sous toutes ses formes.
Jean-Marie Pailler
LES ACTUALITES 8-12 LES BRÈVES 14-17 ATELIERS ET OBJETS – Dominique Crébassol Desing alimentaire. Les plaisirs de la chère 18-19 TROIS QUESTIONS A Maïthé Vallès-Bled, directrice du musée Paul-Valéry 20-21 ENTRETIEN avec Nils Brunet, directeur l'Association de coopération interrégionale des chemins de Compostelle, et Quitterie Cazes, historienne de l'art 22-30 DIX EXPOSITIONS Montpellier. Picasso, métamorphoses et unité Lodève. Le faune, bouc et mystère Lectoure. Images sur images Figeac, Rodez, Toulouse. Rapa Nui, le nombril du monde Perpignan. Dufy au soleil de Perpignan Millau. Hundertwasser, une œuvre écolo-rée Augustins. Toulouse et sa région à la Renaissance Toulouse. Tête de mort, piété et goût de la vie Rodez. L'art incarné des Gutaï Villeneuve-lès-Avignon. Les murs ont la parole 32-34 AGEND’ART 36 LECTURES LA CONNAISSANCE LE DOSSIER, coordonné par Corinne Sanchez, Jean-Marie Pailler 40-131 La trace de Rome en Occitanie 42-47 Quel héritage du passé romain en Occitanie ? par Corinne Sanchez, Jean-Marie Pailler 48-59 Un musée pour la Nîmes romaine, par Dominique Crébassol 60-69 Nîmes, retrouver l'amphithéâtre dans les arènes, par Dominique Crébassol 70-82 Narbonne, capitale romaine, par Corinne Sanchez 80-83 Sous la cour du collège, le capitole de Narbonne, par Santiago Mendieta 84-95 Narbo Via et la renaissance d'une capitale romaine, par Ambroise Lassalle, Caroline Papin 96-105 Tolosa, un millénaire en trois temps, par Jean-Marie Pailler 106-111Les portes antiques de Tolosa, par Christian Darles 112-117 Du renouveau pour les sites romains du Comminges ? par Santiago Mendieta 118-121 Une vaste demeure aristocratique à Auch, par Pascal Lotti, Valérie Salle 122-125 Elusa-Eauze. L'histoire d'une ville à travers celle d'une demeure, par Pierre Pisani 126-131 Dans le Gers, Séviac affiche sa romanité, par Brieuc Fages, Valérie Salle LA RECHERCHE 132-137 Régis Vialaret, décorateur d'églises, par Fabien Cadot 138-144 Les 50 ans d'un musée d'histoire du protestantisme, par Patrick Cabanel
La trace de Rome en Occitanie Du Rhône aux Pyrénées, l'actualité liée à l'archéologie peut s'enorgueillir de nom- breuses découvertes dans une région marquée par les échanges et riche de sa diversité. La mise en valeur des données archéologiques, sans cesse renouve- lées grâce aux fouilles et recherches en cours, à l'exemple de celles d'une domusà Auch ou du capitole de Narbonne, s'appuie sur les musées et les ac ons de valorisa on. La créa on de musées à Nîmes et à Narbonne témoigne de l'impor- tance des connaissances à partager. Elles s'inscrivent dans des parcours où descentres d'interpréta on et des musées de sites o rent des approches mul plesau visiteur curieux. Si chaque site mérite l'a en on, les villes et les villae sont ici à l'honneur en rai- son de l'actualité muséographique. Illustrant les modes de vie à la romaine, ellespar cipent des lieux d'échanges que sont les ports, les « sta ons » rou ères (du la n sta o, « relais »), les grands ateliers de po ers. Nîmes, Narbonne et Toulouse sont héri ères du passé an que, et chacune garde sa spéci cité. Nîmes, avecses monuments et son nouveau musée de la Romanité, permet de visiter une ville romaine. Avec le musée Narbo Via, un nouvel écrin pourra accueillir lesriches collec ons de Narbonne, première colonie romaine hors d'Italie, capitale et représentante de Rome dans la province. Toulouse béné cie, avec le musée Saint-Raymond, d'un lieu valorisant par de nombreux événements une collec on rant par d'une nouvelle scénographie. Ce musée intègre également les décou- vertes de villae comme Chiragan, ce qui a re aussi l'a en on sur ses contem- poraines, Séviac et Montmaurin. Il faut se rendre sur les sites, de Montmaurin à Eauze, pour saisir l'ampleur de ces demeures occupées jusqu'au Ve siècle apr. J.-C.À la fois domaine agricole et lieu de résidence des riches propriétaires, certaines de ces villae ont pu être à l'origine des villages qui aujourd'hui font le charme de l'Occitanie. Corinne Sanchez, Jean-Marie Pailler